Aller au contenu

Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
343
ET NE NOS INDUCAS

crise tragique de conscience, c’était cette fatale manie de révolte contre les préjugés qu’elle retrouvait à son service, et tout n’est-il pas préjugé, quand on veut tout réduire au critère de sa propre logique ? Comme éléments de résistance, en dehors de l’indestructible instinct qui veut que l’amour maternel s’éveille au cœur de la femme avant même qu’elle ait conçu, que rencontrait-elle ? Rien que ces vides et inefficaces principes sans justification supérieure, par lesquels les laïcisateurs insensés d’aujourd’hui prétendent remplacer le Dieu vivant et aimant, le Père céleste, auteur de tout ordre et de toute loi, dont les commandements révélés n’admettent pas la discussion, qui récompense et qui punit, que l’on prie et qui soutient, envers qui l’on se repent et qui pardonne. Pour Julie, qu’était ce Dieu, dont son père ne lui avait jamais prononcé le nom durant son enfance, par scrupule ? Et, quand il lui en avait parlé, c’avait été dans le style de Kant, traduit et commenté par l’intègre Barantin. Le Dieu qu’il avait offert aux besoins religieux de sa fille et de ses fils, ç’avaient été le « postulat de la Raison pratique », le « substratum mental de la Justice immanente », la « Catégorie de l’Idéal », toutes conceptions éminemment philosophiques, admirablement dégagées de la souillure des superstitions. Que valent ces quintessences et ces fumées, quand il faut agir et se décider ; quand le cœur en détresse a besoin d’un secours qui vienne d’en haut, d’une certitude à laquelle s’attacher pour