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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/364

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L’ÉTAPE

proposait d’exploiter. Il n’avait plus la ressource de se procurer par son bureau de quoi suffire à une vie dont il ne pouvait déjà plus se passer. Comment faire face aux caprices d’une Mme d’Azay, pour qui le louis était l’unité de dépense, avec les sept cents et quelques francs qui lui restaient de ses désastres aux courses ? Antoine projetait bien de rejouer ce reliquat, mais à coup sûr. D’ici là, il s’était, avec sa prodigieuse fécondité en fourberies, assuré un répit, en racontant à Angèle une chimérique histoire de parents de province, venus à Paris, qui lui prenaient ses journées et ses soirées. Cet intermède familial dans l’insipide atmosphère de la maison Monneron commençait à lui peser furieusement. Il n’eût pas été fâché de l’interrompre le plus tôt possible, en extorquant au séducteur plusieurs nouveaux billets de mille francs : « Ce n’est que justice, » ricanait à part lui, non sans ironie, cet étrange redresseur de torts, et il songeait déjà à forcer la serrure du petit secrétaire de sa sœur, s’il ne mettait pas la main sur quelque preuve. Le courrier de ce mercredi matin ne contenait pas de lettre pour Julie. Il s’y trouvait pourtant une enveloppe dont la suscription était de l’écriture guettée. Elle portait le nom de Jean, auquel Antoine la tendit, en disant :

— « Tiens. Une lettre de Rumesnil pour toi. Comment va-t-il, ce brave Adhémar ?… »

Depuis leur rencontre en présence de M. Berthier, le cadet n’avait pas adressé une seule fois la parole à l’aîné, qui affectait de ne pas tenir