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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/363

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ET NE NOS INDUCAS

— « Tu ne t’es donc pas regardée dans la glace, ce matin, et ta mine de papier mâché ?… Il n’y a rien d’étonnant si tu te donnes des migraines comme celle d’hier soir, avec cette façon de te nourrir ! Tu mords et tu avales, les trois quarts du temps, sans prendre le temps de goûter à rien, et, le quatrième quart, mademoiselle lit en mangeant, comme si elle n’avait pas assez de la journée pour préparer des examens qu’elle n’est même pas capable de passer !… Heureusement Gaspard est rentré au collège. Sans cela, quel exemple ! Et comment lui apprendre à manger convenablement ?… Bon, voilà le courrier… Tu es trop gentil, mon pauvre Antoine. Il n’y a que toi de complaisant dans la maison. Quant aux Maradan, ils verront la couleur de leurs étrennes, cette année-ci… »

C’étaient en effet les lettres de la première distribution, que le fils criminel, en train de continuer la comédie de ses vertus domestiques, apportait au milieu de cette mercuriale. Il était allé les chercher en bas, à l’arrivée du facteur. Il agissait ainsi depuis ces derniers jours, tous les matins, soi-disant pour suppléer à la mauvaise volonté des concierges et afin que son père eût son journal plus tôt. En réalité, il espérait intercepter quelque billet de Rumesnil à sa sœur, grâce auquel il renouvellerait le coup qui lui avait si bien réussi. La facilité avec laquelle le jeune noble lui avait prêté les cinq mille francs avait achevé d’en convaincre le dangereux personnage : Julie et Adhémar étaient liés par un mystère coupable, qu’il se