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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/369

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ET NE NOS INDUCAS

l’U. T. pour la conférence Chanut. Il me sera plus commode de passer chez toi, puisque tu as besoin de me voir. Sauf contre-ordre, c’est moi qui serai rue Claude-Bernard à dix heures. Ce fanatique de Riouffol a-t-il encore fait des siennes ? Je ne sais rien, n’ayant vu personne. À toi de cœur. A. R. »

— « Es-tu renseignée maintenant ? » demanda Jean, quand la jeune fille eut prit connaissance de ce laconique message.

— « C’est pour lui remettre les cinq mille francs d’Antoine que tu lui avais demandé ce rendez-vous ?  » interrogea-t-elle. « Tu les as toujours ?… »

— « Naturellement, » répondit-il.

— « Et ensuite, » insista-t-elle, « vas-tu lui parler de moi ?… »

— « Oui, » répondit-il, fermement, sérieusement, du ton d’un homme qui est descendu jusqu’au fond de sa conscience et qui, décidé à faire ce qu’il considère, après mûre réflexion, comme son devoir, ne reculera plus. Il s’attendait que Julie se révoltât. Elle parut au contraire éprouver un soulagement à cette affirmation si nette. Ébranlée comme elle était jusqu’au plus intime de son être, la rencontre de cette décision tranquille, qui contrastait étonnamment avec l’habituelle incertitude du jeune homme, lui donnait ce sentiment du point d’appui qui lui avait toujours tant manqué dans son milieu. Elle regarda Jean, avec une surprise presque mêlée de reconnaissance, comme s’il lui faisait du bien par cette résolution :