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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/376

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L’ÉTAPE

abaissé par ses épais bandeaux, et derrière ces yeux obscurs. Quand il vint l’appeler à travers la porte, comme à l’ordinaire, une autre espérance, issue de la première, était en train de préparer une autre déception à cette âme, en ce moment rendue presque folle par l’excès du désir. Elle s’était suintement avisée que Rumesnil avait eu sans doute une raison pour déplacer le lieu du rendez-vous demandé par Jean. Pourquoi avait-il préféré la rue Claude-Bernard à la rue de Varenne ? Elle se dit, et sur ce point elle ne se trompait pas, qu’il comptait sans doute la rencontrer et échanger avec elle quelques mots auxquels il attachait de l’importance. Quels mots ?… Mais, s’il l’aimait, et s’il avait maintenant l’idée que peut-être il pourrait décider sa mère à un consentement ?… Si, plus simplement, revenu sur sa première impression à l’annonce de la grossesse, il voulait lui demander, au contraire, de soigner en elle le fruit de leurs amours ?… Si ?… La voix de son père la surprit qui s’abandonnait à cette nouvelle illusion :

— « Es-tu prête ? » lui demanda-t-il. « Il est neuf heures et quart. Les césariens disent : heure militaire. Je veux qu’on puisse dire, moi : heure universitaire… »

— « Je suis encore un peu souffrante, » répondit Julie. Elle allait ajouter : « Je ne vais pas à mon cours, » quand la possibilité, en sortant sous ce prétexte, de voir Rumesnil bien plus sûrement que si elle restait dans le cercle de surveillance