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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/393

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ET NE NOS INDUCAS

il ne lui pardonnerait ! Jamais elle ne le reverrait, comme elle l’avait vu hier, si tendre, si caressant, si beau ! Et elle l’avait repoussé, et elle l’avait trahi !… La grande vague du désespoir noyait de nouveau cette âme désemparée, et le sinistre projet dont elle avait été déjà si souvent assiégée recommençait de la hanter… Brusquement, elle sortit de la chambre de Jean pour entrer, à l’autre extrémité du couloir, dans celle d’Antoine. Là, elle se mit à ouvrir les tiroirs qui n’étaient pas fermés à clef, à tâter les rayons des armoires, les étoffes des vêtements, jusqu’à ce que sa main rencontrât un objet dont le contact froid la fit tressaillir. Elle s’était souvenue que son frère aîné possédait un petit revolver qu’il emportait dans ses expéditions nocturnes. Il y avait fait une lointaine allusion dans leur grande conversation… Elle tenait l’arme. Elle la prit et vérifia si les chambres étaient chargées. Puis, serrant cet outil de suicide dans la poche de sa robe, elle descendit les marches de l’escalier en courant, pour remettre la lettre de rendez-vous au sieur Maradan et demander qu’il la portât tout de suite. Quoi qu’il arrivât à présent, si l’épreuve était trop forte, elle avait avec elle le sûr remède.