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LA CATASTROPHE

endroit l’arrêta net. Il vit, en se retournant, que le concierge de Rumesnil se tenait sur le pas de la porte et le regardait. La pensée du funeste secret dont il était le dépositaire tombant dans la conversation de ces deux domestiques lui fut trop odieuse.

— « Je repasserai jusqu’à ce que je trouve Adhémar, » se dit-il, « mais pas d’espionnage ! C’est trop dégradant. D’ailleurs, si Julie ne l’a pas averti, il viendra ce soir à l’Union Tolstoï ; et si elle l’a averti, il y viendra plus certainement encore, il ne voudra pas avoir reculé devant moi… »

Ce raisonnement, fondé sur une connaissance déjà ancienne du jeune noble et de son terrible amour-propre, soutint le justicier, durant les longues heures vides et torturantes de cet après-midi où il se présenta quatre fois à l’hôtel de la rue de Varenne, et, les quatre fois, pour s’entendre dire que M. le comte n’était pas rentré, ou qu’étant rentré, il regrettait beaucoup de n’avoir pu rester et qu’il avait dû sortir de nouveau. Dans l’intervalle de ces infructueuses visites, dont chacune l’avait exaspéré davantage, Jean s’était promené indéfiniment, allant droit devant lui, au hasard, comme il avait fait durant cette interminable journée de la Toussaint, la semaine précédente, ou il croyait avoir touché le fond dernier de la misère morale. Qu’était-ce auprès de cette journée-ci ? Ces premiers mots qu’avait prononcés Julie… « Parce qu’il est mon amant… » avaient