Aller au contenu

Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
409
LA CATASTROPHE

— « Le lâche ne viendra pas… » se dit Jean. « Je ne le joindrai que demain. Mais je le joindrai… S’il ne vient pas, qu’est-ce que je fais ici ? Attendons pourtant ces cinq minutes encore… » Et il suivit son ami. Crémieu-Dax s’était engagé avec l’abbé Chanut dans un petit couloir circulaire qui contournait la grande salle et aboutissait, par la bibliothèque, à la chambre emphatiquement dite du Conseil. Quatre personnes s’y trouvaient en ce moment, qui écoutaient, sans se parler, le tumulte grandissant de la salle voisine. C’étaient le roux et germanique Bobetière, le ruskinien et chevelu Marins Pons, le cacographe Boisselot et Riouffol, dont la figure paraissait plus jaune, les traits plus hagards, la mâchoire plus brutale, les yeux plus brillants, le rude torse plus tassé encore que d’habitude. Cette rumeur, avant-courrière de la bacchanale dont il était l’imprésario, lui donnait une expression de joie barbare, qui s’exalta encore, quand il vit arriver l’abbé Chanut et ses guides. Cependant il fut décontenancé, même dans cette attitude de méchanceté triomphante, par la tranquillité de Crémieu-Dax, qui, ayant salué les trois autres, s’avança vers lui, la main tendue. Ils ne s’étaient plus abordés depuis la phrase sanglante que le relieur avait prononcée à cette place même, en allusion aux mines de Modderfontein.

— « Bonjour, Riouffol… » disait le fondateur de l’U. T. Jamais il n’avait fait un plus grand sacrifice à son œuvre. Et, comme l’autre laissait prendre sa main, machinalement, presque avec