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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/425

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LA CATASTROPHE

prière de la consécration : Qui, pridie quam pateretur, panent accepit in sanctas ac venerabiles manus suas… La Messe, c’est le Calvaire continué. Pour un vrai prêtre, l’avoir célébrée, le matin, c’est garder toute la journée une force surnaturelle au service de l’épreuve. Un reflet de cette flamme intérieure transfigurait en ce moment le visage de l’inutile, mais sincère apôtre. Inutile ? Non. La loi qui veut que pas un atome de force physique ne soit perdu a sa correspondance exacte dans le monde moral, et, dans ce moment même, ce martyre du prêtre démocrate exerçait son action mystique tout auprès de lui. Il était venu pour faire connaître l’Église à des faubouriens déchristianisés par l’affreux travail de ces vingt-cinq dernières années. Ces égarés ne devaient même pas le laisser prononcer une phrase entière, mais sa dignité triste et douce, sa réserve indulgente et grave, toute sa piété enfin, ne demeuraient pas inefficaces. Le frère de Julie Monneron, qui traversait des heures trop dures, et à la minute même où une épreuve plus tragique encore que les autres allait l’atteindre, recevait de ce pauvre prêtre, si naïf dans ses idées sur l’organisation des sociétés, si admirable dans son courage, un nouveau et saisissant enseignement sur le pouvoir de la foi profonde. Une force était là, qu’il voyait distinctement, des yeux de sa chair : force de consolation et de bienfaisance, force de lumière et de certitude invincible. Crémieu-Dax aussi avait une foi, mais si évidemment fausse et stérile, si manifestement