Aller au contenu

Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/435

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
LE PÊRE ET LE FILS

lards qui continuaient à encombrer de leur tumulte l’étroit escalier, n’écoutant pas les outrages que provoquait sa bousculade parmi des gens dont quelques-uns le reconnaissaient pour être arrivé une demi-heure plus tôt avec l’abbé Chanut… Enfin il était sous le porche et dans la rue. Il entendit le domestique de Rumesnil crier par trois fois hâtivement un numéro de fiacre. Il vit la voiture s’avancer, la portière s’ouvrir, et il se trouva assis à côté du docteur Graux, tandis que le concierge grimpait sur le siège et donnait une adresse au cocher, dont le cheval partit à grandes allures.

— « Ma sœur n’est que blessée ?… » demanda-t-il en regardant fixement son compagnon, de ce regard que tous les médecins consultants ont dû affronter, et qui va, épiant la vérité dans les plis les plus imperceptibles de leur visage.

— « Elle n’est que blessée… » répondit le docteur, et devinant l’atroce appréhension du frère : « je vous en donne ma parole d’honneur… Elle a voulu se tuer, » continua-t-il, comme s’il eût désiré devancer toutes les questions. « Adhémar (il donnait ce prénom au fils de sa vieille cliente, l’ayant connu enfant) a essayé de la désarmer. Une balle est partie, qui lui a fracassé la main gauche et le poignet. Il n’a plus eu la force d’empêcher la malheureuse d’exécuter son projet. Elle s’est tiré un coup de pistolet, là… (Il montra sa poitrine à gauche…) J’ai la conviction que la blessure n’aura pas de conséquences graves. J’ai