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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/439

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LE PÊRE ET LE FILS

en soi, on ne saurait le recevoir. » C’est en ce sens que la foi est une vertu, la construction personnelle et secrète de notre volonté, même quand les circonstances extérieures semblent seules nous conduire où nous n’irions pas nous-mêmes. Elles n’auraient pas eu lieu, si nous ne les avions pas préparées en nous préparant. Nous ne nous rendons pas compte de la part effective que nous y avons, et nous en demeurons saisis comme d’un avertissement. C’est ainsi qu’au moment où il descendait du fiacre enfin arrêté, le jeune homme tressaillit tout entier à entendre le médecin lui dire, en lui prenant la main :

— « Monsieur Monneron, vous allez vous trouver bien près d’un ancien ami, de qui vous avez cruellement à vous plaindre. Je sais que vous n’êtes pas tout à fait un incroyant… Je vous demande de vous souvenir du mot de l’Écriture : « C’est moi qui rétribuerai. » Laissez la vengeance à Dieu. Dès maintenant vous pouvez constater qu’il ne s’en charge que trop… »

Ce texte sacré, si étrangement rappelé à cette minute et à cette place, avait son commentaire éloquent dans l’aspect du petit appartement, jadis arrangé pour la débauche clandestine, où les deux visiteurs entraient, précédés par le domestique. Disons tout de suite que Rumesnil n’avait pas avoué la vérité au médecin. Il n’avait pas été blessé par hasard et en essayant d’empêcher le suicide de Julie Monneron. C’était elle qui, dans