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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/438

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L’ÉTAPE

… » Cette parole revint à la pensée de M. Graux comme la voiture passait devant l’église Saint-François-Xavier. Il eut donc l’idée de s’adresser, dans ces instants de trouble affreux, à ces tendances religieuses, en sorte que ce fut un appel après tant d’autres, un signe ajouté à tous ceux qui se multipliaient autour du jeune homme pour hâter son arrivée au point mystérieux vers lequel il était aiguillé. Ce véritable miracle moral qui s’appelle une conversion est l’œuvre le plus souvent de toute une série de petits événements, produits eux-mêmes par notre disposition intérieure. Si M. Ferrand, par exemple, n’eût pas su les nostalgies chrétiennes de l’amoureux de sa fille, il n’eût jamais songé à écrire sur l’enveloppe où il enfermait un prêt d’argent, la phrase de saint Augustin, ce « Perdidistis… » gros pour son élève de tant de réflexions. Si Jean ne les eût pas promenées, ces nostalgies, dans toutes les compagnies, il n’eût pas interprété, comme il avait fait tout à l’heure, le méditatif héroïsme de l’abbé Chanut. S’il ne les eût pas laissé deviner, même à Rumesnil, ces tourments de sa pensée, le docteur Graux ne les aurait jamais connus, et il ne se serait pas avisé de lui parler, sur le seuil de la funeste maison de la rue d’Estrées, exactement du ton qu’aurait employé M. Ferrand. Ces additions d’impressions successives achèvent de déterminer le grand travail intérieur, mais elles en résultent d’abord. Pascal disait : « Tu ne me chercherais pas, si tu ne me possédais, » et Gœthe : « Ce que l’on ne porte pas