Aller au contenu

Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/441

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
429
LE PÊRE ET LE FILS

servait de salle de bains et de cabinet de toilette, derrière la chambre à coucher, pour que sa vue n’ajoutât pas à la dureté de l’épreuve, et aussi par impossibilité d’affronter le regard du frère de sa maîtresse. Il était là, assis sur une chaise, dans l’ombre, supplicié par sa blessure mal bandée, l’oreille aux aguets, et vraiment un exemple vivant de la vérité du mot de l’apôtre cité par le médecin. Dans la chambre à coucher, Julie était étendue sur le lit. Le docteur avait coupé son corsage par pièces, pour l’examiner sans la dévêtir, à cause de la souffrance qu’occasionnait le moindre mouvement. Les morceaux déchirés avaient été jetés de-ci de-là, dans la hâte du pansement. Des instrumens d’acier luisaient sur la table, à côté d’une trousse ouverte, avec toutes sortes d’objets nécessaires à ces premiers soins : des bandes à demi déroulées de gaze, du taffetas gommé, de l’ouate, de la charpie, des flacons à étiquette rouge. L’odeur de l’acide phénique se mélangeait à celle de l’éther, que l’on avait dû employer pour combattre la crise nerveuse dont le docteur avait parlé. Les meubles avaient été repoussés au hasard, quelques-uns mis par-dessus les autres. La balle tirée sur Rumesnil avait ricoché dans l’armoire à trois panneaux, destinée à servir de psyché, et dont une des glaces avait volé en éclats. On l’avait ouverte pour y prendre des serviettes. Mal refermée, elle laissait voir, suspendue à des crochets, une robe de chambre de soie chinoise, brochée de fleurs, un peignoir souple, des che-