Aller au contenu

Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/456

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
444
L’ÉTAPE

première personne à profiter de cette permission serait son père. Il avait vu arriver sa mère. Mme Monneron s’était aussitôt répandue, avec sa fougue méridionale, en exclamations sur leurs inquiétudes de la veille, à elle et à son mari, puis en questions interrompues heureusement par l’arrivée du docteur Graux. Le médecin l’avait introduite auprès de sa fille en lui interdisant de faire causer la malade, et Jean s’était échappé, décidé à saisir cette occasion de parler à fond avec son père. Il avait trop senti que toute ouverture de cœur lui était impossible avec sa mère. Il avait trouvé Joseph Monneron au logis, rentrant du lycée. Il y a du soldat dans tout vrai professeur, fût-il un ennemi aussi déclaré des prétoriens que celui-ci, et un partisan aussi convaincu du vieux programme étonnamment résumé à la tribune par un célèbre universitaire républicain : « une armée de citoyens qui n’aient à aucun degré l’esprit militaire !… » Dans son exactitude à exécuter sa consigne avec une ponctualité qui n’admettait pas de compromis, le père de Julie était monté, ce matin-là, dans sa chaire de Louis-le-Grand, comme d’habitude. Il devait y faire une conférence, et il l’avait faite. Il avait interrogé ses élèves, dirigé une explication de textes, comme s’il n’eût pas eu le désespoir au cœur, à cause de cette double catastrophe : son fils aîné chassé de son administration pour un faux et pour un vol, sa fille blessée dans des circonstances qu’il croyait dues au hasard, sur la foi du docteur Graux. Mais