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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/463

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LE PÊRE ET LE FILS

front avec égarement… « Jean, mon Jean, dis-moi que ce n’est pas vrai !… »

— «  C’est vrai comme je suis ici, » dit le jeune homme. « Le drame s’est passé hier, vers les six heures du soir, rue d’Estrées, dans un appartement où ils avaient leurs rendez-vous. Rumesnil a eu un dernier reste d’honneur : il a raconté au médecin qu’il avait été blessé par hasard, en essayant de la désarmer. Il m’a envoyé chercher à l’Union Tolstoï, où j’étais. C’est par Julie que j’ai appris la scène. Le reste, je le soupçonnais depuis longtemps. Mais j’étais comme tu es en ce moment, je ne voulais pas y croire… »

— « Ainsi, » gémit le père, — et à mesure qu’il parlait, sa voix accusait le grandissement d’une colère qui, peu à peu, s’exaltait jusqu’au paroxysme, — « ainsi, voilà ce qui se passait dans ma maison, tandis que leur mère et moi nous avions en eux cette confiance qui aurait dû pourtant les toucher, elle surtout ! … Elle, c’est pire que lui. Un faux et un vol, ce sont des actions. Elles sont abominables. Elles durent un instant. Ce n’est pas ce mensonge continu, cette hypocrisie quotidienne qu’elle a dû avoir. Oui, il a fallu qu’elle nous mentît tous les jours, toutes les heures, pendant des semaines ! Et elle venait m’embrasser embrasser sa mère, après ces rendez-vous avec… Non. C’est trop horrible !… Encore hier, quand je la conduisais à son cours, je lui parlais de ce dernier devoir que je lui ai corrigé. Elle m’écoutait, attentive… Elle avait l’air de ne penser qu’à son exa-