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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/475

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LE PÊRE ET LE FILS

à régler, celui de la somme qu’il avait volée et qu’il a restituée à M. Berthier : cinq mille francs. Il a prétendu qu’il avait mis ces cinq mille francs à part, sur ses gains aux courses. Je voudrais en être bien sûr et ne pas penser qu’il a abusé de mon nom pour les emprunter. Je te demande de tout essayer pour le savoir. »

— « Je n’ai besoin de rien essayer, » dit le jeune homme. « Je le sais. Il les a empruntés. »

— « Et à qui ?… »

— « À Rumesnil. »

— « À… » Le nom du séducteur de la fille s’arrêta dans la bouche du père qui se domina de nouveau, avec un effort plus visible encore. « C’est bien… Ils seront remboursés avant ce soir… C’est trop que nous les ayons dus un jour à ce scélérat. »

— « Ils sont remboursés, » répondit Jean, « depuis hier. »

— « Par qui ? » demanda Joseph Monneron.

— « Par moi, » dit Jean. « Ce que tu penses, je l’ai pensé, ce que tu sens, je l’ai senti, avant même de savoir toute la vérité. »

— « Ah ! noble enfant !… » ne put s’empêcher de soupirer le père. « Mais comment les as-tu eus ? Cinq mille francs ! Plus de la moitié de mon traitement !… »

— « J’ai trouvé à les emprunter moi-même, » répondit le fils, à qui la pourpre vint aux joues. Le nom qu’il allait articuler lui brûlait d’avance