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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/518

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L’ÉTAPE

autre scène du vaste drame de guerre civile, dont la malheureuse France est le théâtre depuis un siècle, se jouait rue Claude-Bernard entre deux autres camarades, tout jeunes ceux-là, et au début de la vie, Jean Monneron et Salomon Crémieu-Dax. Et tous deux trouvaient aussi, non pas le remède à l’inexpiable discorde, — il n’en existe pas, — mais son adoucissement, son humanisation, si l’on peut dire, tout comme leurs aînés, dans la tendresse et dans la loyauté, ces profondes vertus qui maintiennent chaudes et bienfaisantes les sources vives de l’âme, même à travers les plus funestes erreurs. Le fondateur de l’Union Tolstoï était accouru, de très grand matin, voir son ami, dont la disparition, la veille, et dans de telles circonstances, l’avait prodigieusement étonné. Il avait su qu’un domestique était venu chercher Jean Monneron, mais sans aucun détail. Il avait trouvé singulière la façon dont l’insolente Pauline lui avait dit que Jean n’était pas rentré. Il était allé chez Rumesnil, l’autre déserteur de l’Union dans cette terrible séance, achevée sans voies de fait, — tout juste, car l’abbé Chanut n’avait pas pu placer un mot, et, pour qu’il sortît sans que les compagnons de Riouffol lui fissent un mauvais parti, il avait fallu appeler les sergents de ville ! — Ce lamentable effondrement de son Université populaire n’avait pas découragé l’idéaliste. Il se mettait déjà en campagne pour reconstituer son Comité. Il avait trouvé Rumesnil au lit, la main bandée, qui lui avait expliqué sa blessure par une