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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/60

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L’ÉTAPE

bien cet homme excellent devient irritable, aussitôt qu’il s’agit des points qui font dogme en lui. La foi dans la Révolution en est un. Je ne lui en ai jamais parlé. La haine contre l’Église en est un autre. Je ne lui en ai jamais parlé non plus. J’ai eu trop peur d’atteindre en lui des plaies trop saignantes. Il se plaît à me croire toujours tout pareil à lui dans ses enthousiasmes et dans ses aversions. Je n’ai pas eu le courage de le détromper. Ce n’est pas brave, je le sais. Ce n’est pas loyal, quoique je puisse alléguer à mon excuse que j’ai bien souvent été repris par les idées de mon père, ou de toutes voisines. Je serai véridique jusqu’au bout, mon cher maître. Quand vous me prêtez de la sympathie pour le catholicisme, vous vous trompez. Il m’attire, je ne le nie pas. Mais par réaction uniquement, parce qu’il est l’ordre, parce qu’il me représente le seul correctif efficace de l’anarchie intellectuelle et sentimentale où je me débats, où je vois se débattre les miens. C’est ma pensée qui va vers lui, c’est mon cerveau, mais ma sympathie est ailleurs. Elle est pour les utopies révolutionnaires. Je les sais, je les constate les erreurs, à chaque effort nouveau que je m’impose pour les servir. J’ai vu, dans une récente expérience, ce qu’il faut penser des politiciens qui parlent de justice. Dans une autre expérience, plus récente encore, dans cette Union de la rue du Faubourg-Saint-Jacques, où nous avions rêvé, quelques camarades et moi, de fonder quelque chose comme les settlements