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Page:Paul Bourget – L’étape.djvu/69

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III
les monneron

De la rue de Tournon où habitait M. Ferrand à la rue Claude-Bernard où demeuraient les Monneron, la distance n’est pas grande, par le Luxembourg et la rue Gay-Lussac. Que Jean l’avait franchie souvent d’un pas rapide, — et elle lui semblait bien longue alors, — quand il allait rendre visite à son ancien maître, avec l’espérance d’apercevoir au passage la taille souple, les cheveux blonds, les yeux bleus et le sourire de Brigitte ! Au sortir de cet entretien qui, dans sa pensée, équivalait à une rupture définitive, que cette distance lui parut courte ! Il aurait voulu que des lieues et des lieues séparassent les deux maisons, pour ne pas retrouver si vite, encore ébranlé jusqu’au fond de l’être par les paroles qu’il avait prononcées et par celles qu’il avait entendues, les tristesses du logis paternel. Toutes les souffrances de la passion contrariée le déchiraient. Le sacrifice auquel il s’était résolu si péniblement comportait un effort contre nature. On ne dompte pas l’élan spontané