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Page:Paul Vibert - Mon berceau, 1893.djvu/394

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Mon berceau

cœur compatissant la suit pour éviter un malheur. La voilà sur le quai, elle dévale par le premier escalier venu sur la berge et vite sous un pont elle et ses enfants peuvent enfin, ô bonheur, sacrifier aux exigences de l’humaine nature.

Mais le sergent de ville arrive et, furieux d’avoir mal pronostiqué, il dresse un procès-verbal d’attentat à la pudeur, la femme passe en correctionnelle et est condamnée à la prison sur la déposition de l’agent qui affirme que les enfants l’ont insulté, quand ils ne criaient que pipi, pitié, monsieur l’agent. Le père se pend de désespoir, la fille aînée, une gosse de quinze ans, est enlevée par une casquette de soie de la Villette, les deux qui suivent sont écrasés par un omnibus et, quand la malheureuse sort de prison, elle ne sait où retrouver les deux derniers que le logeur a jetés sur le pavé et tout cela pourquoi ? Parce que l’infortunée n’avait pas dix centimes pour satisfaire l’implacable Compagnie des Chalets de nécessité.

Voyez ces êtres au teint verdâtre, qui passent comme des ombres, le long des maisons, la foule les fuit, épouvantée, en s’écriant : en voilà encore qui ont le choléra. Les chevaux de fiacre eux-mêmes poussent des hennissements plaintifs, en passant près d’eux ; seuls les médecins les suivent à la course, comme les grands carnassiers courent après les charognes, en se disant : voilà