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Page:Paul Vibert - Mon berceau, 1893.djvu/58

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MON BERCEAU

LA PLACE VENDÔME


SOUVENIRS DE JEUNESSE — LA GRANDE ARMÉE
— LES MORTS VONT VITE

Voilà de cela plus de trente ans, j’étais bien jeune alors, mon père venait de publier son premier roman, Edmond Reille, en 1856 et mettait la dernière main à son poème épique des Girondins qui devait paraître quatre ans plus tard et consacrer sa gloire littéraire naissante.

Nous étions au lendemain du retour de Crimée, à la veille de la guerre d’Italie.

Nous habitions alors rue de l’Ouest, aujourd’hui rue d’Assas, tout en haut, près de la place de l’Observatoire avec, sous nos fenêtres, les petits baraquements bas de la caserne du Luxembourg, disparue depuis si longtemps et remplacée par l’École de pharmacie.

Par une après-midi ensoleillée, les troupes rentrant de Crimée passaient dans la rue, avec des couronnes de laurier au bout de leurs fusils, au milieu d’un peuple en délire, tout le monde aux fenêtres les acclamait et les patriotes, qui se souvenaient, regardaient tout cela passer la mort dans l’âme, se demandant si un peu de vaine gloriole légitimait tant de sang répandu sans