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Page:Paul Vibert - Pour lire en bateau-mouche, 1905.djvu/276

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Si j’étais législateur, je ferais une loi pour supprimer radicalement la profession de nourrice mercenaire et ensuite, la conscience tranquille, certain d’accomplir un devoir supérieur envers mon pays, j’enverrais aux galères toute femme qui, elle, aurait mis son enfant en nourrice.

— Mais ce serait de l’arbitraire.

— Non, ce serait une mesure de salut public.

— Mais ce serait une atteinte portée à la liberté individuelle.

— Je suis très libertaire, mais dans ce cas spécial, je suis jacobin, si vous voulez, parce que je ne reconnais à personne le droit à l’assassinat ; or, la coutume d’envoyer ses enfants en nourrice constitue bel et bien l’organisation méthodique et raisonnée de l’assassinat des nouveau-nés. Cependant je m’arrête car je sens l’indignation qui commence à déborder et aussi bien tel n’est point aujourd’hui le sujet de la présente chronique.

Je reviens donc modestement à mon projet qui est, je crois, tout à fait intéressant et qui a déjà eu, à peine éclos, la bonne fortune de recevoir les encouragements les plus chaleureux de presque tous les médecins des sept parties du monde, en y comprenant les deux pôles.

Quand un enfant vient au monde, quel que soit son sexe, sa tête, son crâne malléable au sommet duquel la fontaine, comme disent les bonnes femmes, n’est pas encore refermée et est simplement gélatineuse comme une belle enveloppe de galantine à la devanture d’un charcutier — n’est-ce pas