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Page:Pelletier - La Femme en lutte pour ses droits, 1908.djvu/24

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la femme en lutte pour ses droits

ses. Avec dévotion elle conserve précieusement dans sa mémoire les mots d’argot, les expressions triviales et elle s’en sert ensuite pour se donner aux yeux des amies les airs d’une émancipation toute factice. Consent-il à la « sortir », elle en est toute joyeuse, comme une petite fille qu’emmène promener son papa. C’est que près de lui, en effet, elle se sent comme une enfant ; les connaissances du frère lui apparaissent immenses, et elle est fermement convaincue que, au regard des hommes, les femmes sont profondément inférieures. Des raisons toutes sociales de cette infériorité, elle ne se doute pas ; elle croit que le savoir dont son frère fait étalage lui est naturel ; anatomiste, elle eût fait sans hésiter de ce savoir un caractère sexuel secondaire.

Dans les classes pauvres, la jeune fille sort seule, il le faut bien, car dès treize ans elle doit apprendre un métier et gagner même une partie de son entretien. Mais si la famille n’est plus là pour la claustrer, la société suffit bien à la maintenir en servitude. D’abord, dès l’entrée à l’atelier, l’esprit de la jeune apprentie est déjà formé, et, sur la valeur et la situation sociales de chacun des deux sexes, elle a reçu l’opinion qui a cours dans son milieu. L’homme, seul, pense-t-elle est quelqu’un.