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Page:Perey - Histoire d'une grande dame au XVIIIe siècle, La comtesse Hélène Potocka, 1888.djvu/94

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LA COMTESSE HÉLÈNE POTOCKA.

moi toutes ces tristes idées ; mais si tu savais dans quelle abominable auberge de juifs je suis, tu dirais qu’il y a bien de quoi dégoûter du pays. »

La comtesse traversait le même pays et suivait la même route qu’elle avait faite trois ans auparavant avec son mari en revenant de Werki, après leur mariage secret. Aussi chaque pas éveillait-il un souvenir.

« Tu ne saurais croire, mon cher Vincent, ce que j’éprouve en faisant cette route qui me rappelle à chaque instant quelque doux souvenir : c’est un sentiment mêlé de tristesse et de plaisir qui me porte pourtant à une douce rêverie. J’ai dîné à Karesma-Kameldaska, c’est là que nous nous sommes promenés en cherchant la rivière, où tu t’es caché derrière un arbre pour me causer un moment d’inquiétude suivi de la joie de te retrouver. Tous les sites de la route où nos yeux se sont portés ensemble me causaient un serrement de cœur, en pensant que je les contemplais seule. Cette grande tour blanche du couvent des Camaldules, le banc de sable qui avance dans la rivière, te rappelles-tu tout cela ? Mais ces bords ne sont plus couverts de verdure, cette rivière n’est plus couverte de bateaux, le