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Page:Perey - Histoire d'une grande dame au XVIIIe siècle, La princesse Hélène de Ligne, 1888.djvu/363

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LA PRINCESSE CH. DE LIGNE.

pour les engager à faire connaître la situation à l’impératrice ; mais lui, si bien en cour, n’écrivit pas une seule fois à Catherine. Elle savait le motif de ce silence qui l’irritait, mais dont elle ne voulait pas se plaindre, de crainte que, dans un accès de franchise, le prince n’en dit trop haut le motif. « Si j’avais voulu, dit-il, lui écrire une seule fois du bien du prince Potemkin et de ses opérations[1], j’aurais reçu des averses de paysans et de diamants. Catherine II eût été bien aise que je la trompasse, c’eût été bien plus commode pour elle de croire que tout allait bien. »

Malgré sa colère contre les maréchaux russes, le prince de Ligne, qui s’y connaissait, admirait sincèrement la nation et le soldat moscovites.

« Je vois des Russes, écrivait-il au comte de Ségur, qui apprennent les arts libéraux comme

  1. Le prince de Ligne raconte que le prince Potemkin avait eu une idée unique, celle de former un régiment de Juifs qu’il appelait Israelowsky. « Nous en avions déjà un escadron qui faisait mon bonheur, car les barbes, qui leur tombaient jusqu’aux genoux, tant leurs étriers étaient courts, et la peur qu’ils avaient à cheval leur donnaient l’air de singes. On lisait leur inquiétude dans leurs yeux, et les grandes piques qu’ils tenaient de la manière la plus comique faisaient croire qu’ils avaient voulu contrefaire les Cosaques. Je ne sais quel maudit pope a persuadé à notre maréchal qu’un rassemblement de Juifs était contraire à la Sainte Écriture. »