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Page:Perey - Histoire d'une grande dame au XVIIIe siècle, La princesse Hélène de Ligne, 1888.djvu/453

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LA PRINCESSE CH. DE LIGNE.

que mon pauvre Charles avait été tué ; je vois mon pauvre Charles lui-même, m’apportant tous les jours son heureux et bon visage sur le mien ! J’avais rêvé quelques jours auparavant qu’il avait reçu un coup mortel à la tête et qu’il était tombé de cheval, mort. Je fus inquiet cing ou six jours, et, comme on traite toujours de faiblesse ce qui est souvent un avertissement ou peut-être un sentiment de la nature, lorsqu’il y a quelque analogie dans le sang, je chassai cette fatale pensée, qui ne se vérifia que trop ! »

Le prince ne se consola pas de la mort de son fils, il perdit à jamais tout le plaisir qu’il prenait à vivre. La grande, l’incurable plaie qu’il portait au cœur était ce cruel souvenir. « Cet homme si léger, dit le comte Ouvaroff, si éprouvé par la vie, si insouciant du malheur, vous l’eussiez vu, dix années après cette catastrophe, s’attendrir au nom de son fils chéri ; on n’osait prononcer ce nom en sa présence, et, quand il lui arrivait d’en parler, sa voix trahissait sa douleur et ses yeux se remplissaient de larmes. » Il y avait quelque chose de singulièrement émouvant dans ce vieillard tout à l’heure voltairien et viveur, comme on dirait aujourd’hui, et qui ne voulait pas être consolé, parce qu’il pensait à l’enfant de son cœur qui n’était