ture, et voyant aux apparences que le jeu allait
devenir sérieux, je pris patience. Effectivement
ne tarda-t-il pas à l’être ; car mademoiselle Cécile,
qui n’avait l’autre nuit agi qu’en écolier,
s’avisa de rêver en maître. Ô trois fois bénigne
Morphée ! que tes pavots sont précieux quand
c’est l’Amour qui les verse ! Pour juger des délices
où je me vis plongée, qu’on se représente
la situation nouvelle où je me trouvais alors :
tout y était propre à disposer au plaisir ; un
goût décidé pour Cécile, une sensuelle curiosité
que ses refus n’avaient qu’irritée ; les propos
libres que je lui avais tenus, sa démarche pour
me satisfaire, et enfin l’heureuse découverte, par
laquelle je me vois au comble de la volupté :
qu’avec raison quelques-uns remarquent que la
préparation du plaisir vaut tout le plaisir même !
Oui, je trouvai quelque chose de sensuellement
amené dans la façon dont je découvris une si
chère erreur ; je trouvai un raffinement de goût
inexprimable dans cette jouissance dérobée, ces
arrhes secrètement reçus d’un amant en corset
et en tour de gorge. Quelle réjouissante perspective !
que n’avais-je point à me promettre de
l’avenir ! quelle facilité à me satisfaire ! que de
précautions, que de contraintes, que de gênes
d’épargnées ! il n’était plus question que d’engager
Cécile à me découvrir son secret, et le plus
tôt me paraissait le mieux.
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DE JULIE