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ANCIENS MÉMOIRES

fait en menant la vie d’un goujat et d’un misérable, en ne s’exerçant qu’avec des coquins.

Tous ces reproches ne furent point capables de luy donner des sentimens plus nobles. L’amour du combat l’emporta sur l’obeïssance que Bertrand devoit à ses parens : il mourait d’envie de se battre, sans considérer la naissance de ceux avec lesquels il étoit toujours aux prises. On avoit beau le veiller pour l’empêcher de sortir, il se deroboit si secrettement qu’on le trouvoit aux mains en pleine campagne, quand on le pensoit encore à la maison ; c’étoit là qu’il faisoit son apprentissage de guerre, s’atroupant avec tous les petits villageois, se mettant à leur tête, donnant le signal du combat, et se jettant au travers de ces prétendus ennemis avec tant de courage et de force, qu’il remportoit toujours la victoire. Son pere ne pouvant luy faire perdre cet acharnement qu’il avoit à se battre, fut obligé de faire publier par les villages voisins que les peres seroient condamnez à de grosses amendes, dont les enfans se trouveroient à l’avenir dans la compagnie de son fils Bertrand, pour recommencer avec luy leurs premiers jeux de main qui le détournoient de tous les autres plus nobles exercices, qui doivent faire l’occupation d’un jeune gentilhomme ; mais il ne fit que blanchir avec toute cette précaution, qui luy fut tout à fait inutile. Il luy falut s’assurer de la personne de Guesclin, l’enfermant dans une chambre de son château, de peur qu’il ne prît encore la clef des champs pour reprendre son premier train de vie.

Quatre mois de prison ne furent point capables de diminuer en luy la démangeaison qu’il avoit pour ces exercices ; le repos luy fut ennuyeux ; il se devint à