Aller au contenu

Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
SUR DU GUESCLIN.

de sortir d’une captivité qu’on luy faisoit injustement souffrir. Il appella donc secrettement son écuyer, et luy donna l’ordre de se rendre à telle heure dans un certain lieu qu’il luy marqua pour l’attendre là, luy commandant qu’il y vînt avec les deux meilleurs chevaux de son écurie, pour mieux faciliter l’evasion qu’il meditoit, et pour joüer son rôle avec moins de soupçon. Bertrand fit signe au jeune fils de Felleton de se venir promener avec luy, luy disant qu’il avoit besoin de prendre l’air, afin qu’il pût dîner avec plus d’appétit. Le jeune homme qui ne sçavoit pas son dessein, le suivit volontiers, et quand ils eurent tous deux assez tracé de chemin pour arriver à l’endroit où l’écuyer attendoit son maître, Guesclin se jetta sur le meilleur cheval et dit au jeune homme : beau fils, pensez de retourner et me salüez vôtre Père, et luy dites que je m’en vois en France aidier au duc de Normandie à guerroyer, et ne vous esmayez : car se vôtre père vous fait ennuy, ou détourbier, venez à moy pour avoir armûres et chevaux et ja ne vous faudray.

Quand Bertrand se fut tiré de ce pas ; il poussa son cheval, et fit une si grande diligence, qu’il arriva le soir même à Guingan, dont les bourgeois eurent une extrême joie, parce qu’ils avoient besoin d’un si grand capitaine pour les défendre des incursions des Anglois, qui se nichoient dans des châteaux voisins, et de là faisoient des courses sur ceux qui sortoient de la ville, et leur enlevoiont leur bétail et leurs marchandises, et mettoient à de grosses rançons tous les malheureux qui tomboient dans leurs mains. Ils representerent toutes ces miseres à Bertrand, qui parut