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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/235

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ANCIENS MÉMOIRES

fort touché de leurs plaintes. Il luy dirent que de tous ces châteaux, il n’en étoit point qui leur fût plus incommode que celui de Pestien, qui les deseloit, et le conjurerent de vouloir rester quelque temps avec eux pour leur tirer cette épine du pied. Guesclin leur fit entendre qu’il étoit pressé d’aller à Paris pour s’aboucher avec le duc de Normandie qui l’avoit appellé pour le seconder dans la guerre qu’il avoit à soûtenir contre les Anglois et les Navarrois, et qu’il n’avoit point de temps à perdre ; mais s’étant mis en devoir de sortir de leurs portes, il les trouva fermées et le pont levé. Guesclin fut fort étonné de se voir enfermé de la sorte, et ne sçavoit à quelle cause imputer cet empêchement. Il leur demanda quel étoit le motif qui les avoit obligé d’en user de la sorte avec luy, s’il y avoit quelqu’un d’entr’eux qui se pût plaindre qu’il luy deût un denier. Ils luy répondirent que bien loin de luy demander de l’argent, ils en avoient à son service, et qu’ils ne plaindroient pas même la somme de soixante mille livres, s’il étoit question de le retenir chez eux à ce prix ; qu’ils le conjuroient de ne les point abandonner dans l’accablement où il les voyoit, et qu’il voulût bien se mettre à leur tête pour aller attaquer avec luy ce château de Pestien, dont la garnison venoit tous les jours jusqu’à leur barrière pour les harceler.

Ils luy firent enfin de si grandes instances, et luy parlèrent là dessus avec tant d’empressement qu’ils l’appellèrent plusieurs fois Homme de Dieu, se jettans à genoux, et le suppliant de vouloir être leur liberateur. Bertrand, dont le cœur étoit tout à fait bien place, ne put pas se defendre d’entrer dans leurs