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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/307

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ANCIENS MÉMOIRES

fût encore vivant et qu’il eût voulu partager avec luy la Bretagne ; mais qu’il avoit eu le malheur de trop déférer aux pernicieux conseils de sa femme, qui avoit attiré sa ruine. Chandos interrompit ce prince en lui disant que, puis qu’il avoit Bertrand dans ses mains, il ne le devoit jamais rendre qu’en suite d’une paix qu’il auroit faite avec le roy de France, et qu’il la falloit acheter par la liberté de ce brave guerrier, qui n’avoit jamais été vaincu dans sa vie que cette seule fois.

Le comte l’assûra que c’étoit bien aussi son intention. Mais pour veiller à ce qui pressoit davantage, il fit chercher par tout le cadavre de Charles avec des soins extraordinaires ; et comme ceux qu’il avoit preposez pour cette recherche, n’en pouvoient point venir à bout, après avoir regardé tous les morts les uns après les autres, ce prince fit serment qu’il ne sortiroit point du champ de bataille qu’il ne l’eut découvert et trouvé. C’est ce qu’il fît avec tant de vigilance et de précaution, qu’il le reconnut à la fin couché par terre, le visage tourné du côté de l’Orient. Mais ce qui tira des larmes de ses yeux, ce fut quand il vit ce pauvre prince couvert d’une haire sous ses habits, et dont les reins étoient serrez d’une grosse corde ; il ne put s’empêcher de plaindre son malheureux sort, et le fit ensevelir avec la ceremonie la plus pompeuse qu’il put s’imaginer, faisant enfermer son cadavre dans un cercueil de plomb. Il eut soin de le faire transférer ensuite à Guingan, commandant qu’on luy fit là des obseques fort honorables et proportionnées à sa qualité de prince, ce qui fut ponctuellement exécuté. Ceux d’Aüray ne manquèrent pas d’ouvrir leurs portes au vainqueur ;