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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/316

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SUR DU GUESCLIN.

n’est pas sans raison que le poëte satyrique[1] disoit autrefois : Sed quid violentius aure tyranni ? En effet, Pierre outré de ces remontrances, qui luy furent d’autant plus odieuses qu’elles étoient fondées sur la vérité, se déchaîna contre Henry, luy reprochant son ambition, qui le faisoit aspirer à la Couronne, dont il empêcheroit bien qu’il eût jamais la possession, n’étant qu’un bâtard indigne de régner, et jura qu’il luy feroit payer bien cherement l’indiscretion qu’il venoit de commettre. Henry tâcha de le radoucir, en luy témoignant qu’il n’avoit fait ces avances auprés de luy que pour luy montrer l’abyme dans lequel il s’alloit plonger et le détourner du précipice qu’il se creusoit à luy même par sa propre conduite.

Cette réponse ne fît que l’aigrir encore davantage ; car au lieu de luy sçavoir bon gré de tous ces avis, il luy commanda de sortir incessamment de son royaume, s’il ne vouloit encourir les effets d’une plus grande indignation. La saillie de ce prince fut fort mal à propos soutenue par un juif nommé Jacob, qui se trouva là ; car voulant flatter Pierre et luy faire sa cour aux dépens d’Henry, il eut le front de dire à celuy-cy qu’il étoit bien hardy d’entreprendre de faire des leçons au plus sage roy de la terre, et que le meilleur party qu’il auroit à prendre à l’avenir, ce seroit de ne se jamais présenter devant luy, mais Henry luy fit bientôt recogner ces paroles aux dépens de sa propre vie ; car après luy avoir reproché les pernicieux conseils qu’il donnoit à Pierre, et l’infamie de sa nation, il luy perça le cœur de sa dague, et le renversa mort par terre. Le Roy, tout surpris et tout indigné de cet

  1. Juvénal.