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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/323

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ANCIENS MÉMOIRES

vit bien qu’ils n’avoient été que les ministres de la cruauté de Pierre. Chacun fit des imprecations contre ce méchant prince qui n’avoit point rougy de commettre un attentat si execrable, sur une princesse qu’il devoit adorer pour l’innocence de ses mœurs et la noblesse de son extraction. La plûpart des juifs même, qui jusqu’alors avoient été ses partisans les plus declarez, ne purent se taire là dessus. Pierre de son côté se precautionna contre toutes les entreprises qu’Henry pouroit faire dans ses États, Il leva force troupes, gagna par les dons et par les bienfaits, les principaux seigneurs de Castille, et fit tant de largesses pour engager les gens dans son party, que le pauvre Henry se vit abandonné de tout le monde, et contraint de chercher un asyle dans les païs étrangers.

Ce prince infortuné s’alla jetter entre les bras du roy d’Arragon, qui le reçut dans sa Cour avec beaucoup d’honnêteté. Le récit que luy fit Henry de la cause de sa disgrâce l’étonna beaucoup. Quand il luy dit que Pierre le persecutoit et l’avoit forcé de sortir de ses États, parce qu’il avoit pris la liberté de luy representer l’horreur que tout le monde avoit de ses cruautez, ce prince luy répondit qu’il n’osoit pas luy promettre de l’appuyer par la force des armes, parce que le repos de ses peuples ne luy permettoit pas d’attirer dans ses États une guerre de gayeté de cœur ; mais que s’il vouloit établir son séjour sur les terres de son obeïssance, il luy donneroit honnêtement dequoy subsister selon sa qualité. Henry fut trop heureux d’accepter ce party, dans la crainte qu’il eut de ne pas rencontrer ailleurs tant d’accueil : mais il fut bientôt troublé dans l’asyle qu’il avoit cherché ; car