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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/324

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SUR DU GUESCLIN.

Pierre sçachant que le roy d’Arragon l’avoit reçu dans ses États et le regaloit de son mieux, luy faisant tous les honneurs qu’un souverain réfugié pouvoit attendre de sa courtoisie, il écrivit une lettre très-forte à ce prince, dans laquelle il luy mandoit qu’il luy sçavoit un fort mauvais gré d’avoir tendu les bras à un bâtard perfide, qui luy vouloit ravir sa couronne ; que s’il luy donnoit retraite davantage sur ses terres il luy declareroit la guerre, et le regarderoit comme son ennemy ; qu’il esperoit donc, que pour prevenir toutes les hostilitez ausquelles il devoit s’attendre, il le chasseroit au plûtôt de ses États, comme un scelerat qui ne meritoit pas qu’aucun prince fût touché de sa disgrâce et de sa misere.

Ce fut à Perpignan que le roy d’Arragon reçut cette lettre. La politique et la raison d’État luy fit ouvrir les yeux ; il en fit part à la Reine sa femme, qui luy representa le danger qu’il y avoit de retenir plus longtemps un tel hoste, et qu’il étoit de la derniere importance de le congedier au plûtôt, de peur que l’orage qui le ménaçoit venant à tomber aussi sur eux, ne rendît leur perte commune avec la sienne ; qu’il falloit donc le renvoyer sans cesse, en luy faisant comprendre qu’il étoit trop raisonnable pour vouloir que pour sa querelle particuliere, on risquât non seulement la tranquilité, mais aussi la conservation d’un royaume. Ces remontrances étoient trop sensées et trop judicieuses pour n’être pas approuvées du roy d’Arragon, qui voyant le peril dans lequel il s’alloit plonger, s’il épousoit ouvertement les intérêts d’Henry contre Pierre, dont toutes les forces viendroient fondre sur ses États, en cas qu’il s’opiniâtrât