Aller au contenu

Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
320
ANCIENS MÉMOIRES

à vouloir donner au premier un plus long asyle en sa Cour, il le fit appeller pour luy communiquer la lettre de Pierre, et les menaces qu’elle contenoit, en cas qu’il demeurât plus longtemps avec eux. Henry comprit bientôt ce que tout cela vouloit dire. Il le remercia de toutes ses honnêtetez, luy témoignant qu’il alloit empêcher par un prompt départ, que son malheur ne luy fût contagieux, et que le repos de ses peuples ne fut troublé par une guerre, à laquelle il ne devoit prendre aucune part ; qu’au reste il esperoit que Dieu seroit le protecteur de son bon droit, et lui susciteroit au travers de toutes les persecutions que Pierre luy faisoit, des moyens de monter un jour sur le trône de ses pères, qu’un usurpateur avoit envahy sur luy ; qu’il le desiroit avec d’autant plus de passion, qu’il se verroit alors en état de reconnoître tous les bons offices qu’il avoit reçu de luy, qu’il souhaitoit luy pouvoir rendre avec usure. Ces paroles honnêtes et prononcées par un prince dont le malheur étoit à plaindre, toucherent si fort le roy d’Arragon, qu’il ne put pas s’empêcher de s’attendrir sur le déplorable état auquel il se voyoit contraint de l’abandonner. Il ne put donc le voir sortir de sa cour sans pleurer, et sans luy témoigner la part qu’il prenoit à son infortune, et combien cette triste séparation luy causoit de douleur et luy faisoit de peine. Henry répondit de son mieux à ce mouvement de tendresse et de compassion, l’assurant que l’absence et l’éloignement de sa cour ne luy feroit jamais perdre le souvenir de toutes ses honnêtetez.