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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/350

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SUR DU GUESCLIN.

des juifs, des sarazins, et des Espagnols qu’ils avoient répandu pour s’en rendre les maîtres. Ce prince eut d’abord de la peine à croire cette étonnante conquête, et s’imaginant que ces deux bourgeois avoient vendu la ville à prix d’argent, il les menaça de les faire mourir. Un des deux, pour se disculper, luy représenta que ceux qui s’étoient emparez de la place n’étoient pas des hommes, mais des diables devant lesquels il n’étoit pas possible de tenir ; que c’étoient des gens qui ne craignoient ny flèches, ny dards, ny mort, ny blessûre ; qu’ils se faisoient jour au travers de tous les périls, avançans toujours sans jamais reculer, et qu’il ne croyoit pas qu’il y eut dans tous ses États aucun fort qui pût résister quinze jours entiers à des trouppes si déterminées, et qui sembloient sortir de l’enfer.

Ce discours, qui n’étoit que trop veritable et qui devoit faire ouvrir les yeux à Pierre pour se garantir du danger qui le menaçoit, fut reçu de ce prince comme une imposture, que ces deux bourgeois avoient controuvée pour couvrir la trahison qu’ils luy avoient faite en vendant cette ville à ses ennemis. Il les regarda comme deux perfides, et, tout transporté de colere, il commanda qu’on les menât tout nuds au premier bois, et qu’on les branchât tous deux au premier arbre qu’on y trouveroit. Il eut tout le loisir de se repentir dans la suite d’une si grande cruauté, quand il apprit que ces deux personnes ne luy avoient dit que la verité toute pure sans luy rien déguiser ; cependant il n’étoit plus temps de les regretter, car le coup étoit fait.

Pierre, faisant réflexion sur tous les merveilleux