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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/351

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ANCIENS MÉMOIRES

progrés que faisoit Henry dans ses États, et sur le danger qui le menaçoit de les perdre, se tourna du côté du comte de Castre son intime amy, pour luy faire une confidence toute particuliere de ses déplaisirs, luy disant qu’il s’appercevoit bien que l’heure fatale étoit arrivée dans laquelle il devoit être dépoüillé de tout ce qu’il possedoit en Espagne, et que la prophetie s’alloit accomplir à ses propres dépens, qui tant de fois avoit avancé qu’un étourneau viendroit de Bretagne accompagné de beaucoup d’autres oiseaux avec lesquels il se rendroit maître des plus hauts colombiers, et en dénicheroit les pigeons ; que toute cette prediction tomboit sur Bertrand, originaire de ce pays, qui secondé de toute sa blanche compagnie s’étoit jette sur les terres de son obeïssance, avoit attaqué ses plus fortes places, avoit désolé toutes les campagnes, et venoit encore l’assieger dans sa capitale sans luy donner ny paix ny treve, rien ne luy tenant plus au cœur que de le pousser de son propre trône pour y mettre à sa place Henry le Bâtard. Le comte de Castre essaya de luy remettre l’esprit et de luy relever le courage, en l’assurant qu’il avoit encore de fort bonnes places qui luy seroient toujours fidelles, et des troupes reglées qui feroient pour luy tout le devoir que des sujets zelez ont accoûtumé de faire pour leur souverain legitime.

Pierre ne revenant point de l’alarme qui le troubloit, fit appeller trois juifs dans lesquels il avoit une confiance toute singulière. Le premier s’appelloit Jacob, le second Judas, et le troisième Abraham, les conjurant de luy faire part de leurs lumières et de leurs conseils, dans l’état déplorable où sa mauvaise