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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/377

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ANCIENS MÉMOIRES

quant ayant ainsi tout concerté comme il le desiroit, alla rendre compte de tout à Mathieu de Gournay, qui le mena parler aussitôt à Henry.

L’impatience qu’ils avoient eu tous deux d’annoncer une nouvelle qui devoit être agreable à ce prince, ne leur fit pas prendre garde aux gens qui se trouvèrent presens à ce complot, et cette beveüe deconcerta toute l’entreprise : car une belle juifve s’étant rencontrée là, prêta l’oreille à tout ce qu’ils dirent, et comme elle êtoit la maîtresse de Pierre et qu’elle avoit un grand interêt à sa conservation, elle se déroba secrettement de nuit pour luy venir dire tout le secret de la conspiration, luy faisant un détail fort exact et fort circonstancié de toute cette trame, dont les principaux auteurs étoient ces deux scélérats, Daniot et Turquant, qu’il avoit banny, et qui, pour se venger, en vouloient à sa vie. Le roy Pierre eut d’abord beaucoup de peine à croire une nouvelle si funeste ; mais la juifve la luy confirma par tant d’endroits et par tant de sermens, que ce prince n’en doutant plus, la remercia de la part qu’elle prenoit si fort à ce qui touchoit sa personne et ses interêts, et l’embrassa sur l’heure avec une tendresse toute pleine de reconnoissance et d’estime pour sa fidelité, luy promettant de la recompenser avec usure d’un si bon office et de la rendre heureuse durant toute sa vie. La juifve ayant fait sa cour aux depens de ceux de sa nation, s’en retourna dans la juifverie, fort satisfaite de l’avis qu’elle venoit de donner à Pierre à leur insçû.

Les Juifs, qui sçavoient les engagemens de cœur qu’elle avoit avec le roy Pierre, essayèrent de la pressentir sur les plus secrets desseins de ce prince, se