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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/389

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ANCIENS MÉMOIRES

rangs pour entrer en lice, et faisoient sur la place fort belle contenance. On trouva bon d’ouvrir ce combat à la pointe du jour pour éviter la grande chaleur, qu’il eût fallu necessairement essuyer si l’on eût commencé plus tard. Il y eut dans ce tournoy force casques abbattus, force lances brisées et beaucoup de chevaux renversez.

Mathieu de Gournay remporta toujours l’avantage et renversa plus de cent chevaliers par terre, qui furent culbutez avec leurs chevaux les uns après les autres. Chacun battoit des mains en faveur de l’Anglois, dont les coups étoient portez avec tant de roideur que personne ne pouvoit les parer. Le roy de Portugal voyoit avec chagrin toute cette manœuvre, disant en soy-même que cet étranger, au sortir de sa Cour, parleroit avec mépris des Portugais et decrediteroit leur nation dans toute l’Europe, se vantant qu’aucun d’eux n’avoit pu se defendre de faire devant luy la piroüette et de coucher enfin sur le sable. Ce prince se souvint qu’il y avoit parmy ses officiers un Breton nommé la Barre[1], homme rentassé, qui avoit la réputation d’être un rude joüeur en matiere de joute. Il l’appella pour le pressentir s’il se croyoit assez fort et nerveux pour entrer en lice contre l’An-


  1. Lors demouroit avecques le Roy un Breton de grant renommée, qui estoit nommé La Barre, lequel estoit grant et fort, et avoit dure eschine, les poings gros et quarrez, et de grosse taille par bras et par jambes ; que ledit Roy appella, et lui dist : « Vous avez renommée en Bretaigne, et ailleurs en maint pays, d’estre preux et hardiz. Auroies-tu la char si hardie, que tu osasse jouster à cet Engloiz ? » Et La Barre lui respondi : « Sire, par la vierge Marie, se il me devoit tuer de une lance, si jousteray-je à lui, s’il vous plaist. Oyl, dist le Roy. « Puis le fist armer et monter souffisamment. (Ménard, p. 232.)