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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/414

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SUR DU GUESCLIN.

discipline et tout attenüez de la faim, l’on pouroit leur courre sus, les charger et n’en pas laisser dix ensemble.

Le comte d’Aine, voulant faire le brave et l’intrépide, ne goûta pas un avis si sage. Il luy sembla que Bertrand ne l’avoit donné que dans la crainte d’en venir aux mains dans une bataille ; il luy reprocha même qu’il avoit peur. Cette parole indiscrette piqua Bertrand jusqu’au vif ; il dit tout en colère, par ma foy se nous combatons demain nous serons desconfiz et avendra grant meschief sur le Roy. Cependant pour faire voir que ce n’étoit point la crainte ny la lâcheté qui luy faisoit tenir un pareil discours, il protesta que puisque le comte avoit eu le front de l’en accuser, on donneroit le lendemain bataille, dans laquelle il payeroit si bien de sa personne qu’il s’y feroit prendre ou tüer, et qu’on verroit qui des deux, ou du comte ou de luy, s’aquiteroit mieux de son devoir. Henry, qui connoissoit le caractere de Bertrand, que la mort ny tous les dangers n’étoient point capables d’ébranler, en voulut revenir à son sentiment et ne rien tenter mal à propos ; mais Guesclin se sentant trop choqué du peu de justice que le comte luy avoit fait de croire que le cœur luy manquoit, dit qu’il avoit fait serment de combattre, et qu’il y auroit bataille le lendemain. On éprouva depuis que Bertrand n’avait rien avancé, dans le conseil d’Henry, que de fort judicieux et fort pratiquable, et qu’en effet, si le comte d’Aine ne luy eût pas ainsi rompu en visiere, et qu’on eut laissé les ennemis aux prises avec la faim seule, le prince de Galles et toute son armée auroient été sur les dents au bout de trois