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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/413

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ANCIENS MÉMOIRES

les tailla tous en pièces, en tua grand nombre, dont Felton fut un des premiers, et contraignit les autres de gagner au pied et de traîner le débris de leurs troupes battües jusqu’au camp du prince de Galles, qui fut bien étonné de cette déroute, où son general avoit laissé la vie.

Pierre à cette nouvelle donna mille maledictions à ce Bertrand, qui luy avoit toujours été si fatal et qui avoit fait toute cette fâcheuse execution. Le comte d’Armagnac prit la liberté de representer au prince qu’ayant une armée si nombreuse elle ne pouroit pas encore subsister ny vivre trois jours dans un païs si maigre et si ruiné ; qu’il valloit donc bien mieux mourir de l’épée de leurs ennemis que de la faim cruelle qui les consumoit. Chandos et les autres seigneurs appuyerent ce sentiment. Tandis qu’ils deliberoient ensemble, Bertrand prit le party de s’en retourner à Navarrette avec ses prisonniers et son butin. La joye d’Henry ne fut pas petite quand il apprit ce premier succés de ses armes, et que les Anglois manquans de provisions et de vivres seroient bientôt à bout. Guesclin luy conseilla de ne rien hasarder, puisque la famine seule pouvoit faire perir toute cette grande armée, qui seroit dans peu détruite par elle même. Il luy fit comprendre qu’ils n’avoient qu’à se retrancher dans de bons fossez et mettre les charrois devant eux, et qu’avec ces deux précautions ils seroient entièrement inaccessibles à leurs ennemis, qu’ils verroient avant qu’il fût trois jours se débander et se separer les uns des autres pour aller chercher dequoy vivre dans un païs plus reculé ; qu’alors quand ils seroient ainsi dispersez et marchans sans rang et sans