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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/417

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ANCIENS MÉMOIRES

fuite, il ne falloit point balancer à luy couper aussitôt la tête. Chandos jura qu’il ny manqueroit pas aussi.

Ce prince, pour les rendre tous encore plus intrepides et plus determinez, ajoûta qu’il leur falloit tous aller chercher à dîner dans Navarrette, et passer pour cela sur le ventre à leurs ennemis, puis qu’il ny avoit point d’autre party à prendre dans le besoin pressant qu’ils avoient de manger, pour ne pas mourir de la faim qui les travailloit. En effet, les Anglois affamez se disoient les uns aux autres qu’ils auroient donné volontiers vingt marcs d’argent pesant pour un morceau de pain. Le prince de Galles voulut commander le corps de reserve. Il avoit auprés de soy le comte d’Armagnac, le sire d’Albret, le comte de Pembroc et beaucoup d’autres chevaliers de marque et de distinction qui faisoient tous fort bonne contenance. Ce prince couroit de rang en rang, et recommandoit à chacun de ne faire aucun quartier aux Espagnols, et de n’en prendre point à rançon, de quelque condition qu’il fût, si ce n’étoit Bertrand, le maréchal d’Andreghem et les François pour qui l’on pouroit avoir quelques égards et quelque indulgence : enfin, pour les animer tous à bien faire, il leur dit que le roy Pierre, dont ils avoient épousé la querelle, alloit être le spectateur de leur bravoure, et qu’il la recompenseroit par des bienfaits proportionnez au service qu’ils luy rendroient. Toutes les choses étant ainsi disposées pour faire journée, Chandos prit la parole et dit au prince que les Espagnols ne paroissoient pas, ot qu’apparemment ils attendoient que le soleil fût levé pour se faire voir.

On dépêcha sur l’heure un trompette vers Bertrand