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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/423

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ANCIENS MÉMOIRES

dan, du comte de Lisle et des seigneurs de Pons, d’Auberoche et de la Reole. Il avoit bien six mille hommes d’armes à sa suite, tous gens d’élite, et qui se promettoient bien de faire un grand fracas dans une mêlée. Les Espagnols qu’il vouloit attaquer étoient plus forts que luy, car il étoient bien dix mille sans un autre corps de semblable nombre que l’on avoit posté tout auprés pour les secourir en cas de besoin. Le roy Pierre qui brûloit du désir de se venger de ses infidelles sujets de Seville, de Burgos et de Tolede, dont il voyoit les drapeaux au milieu de ses ennemis, supplia le prince de Galles de luy permettre de commencer l’attaque contre ces rebelles qui l’avoient dépoüillé de ses États, pour en revêtir un bâtard ; et, suivant les mouvemens et les saillies de sa colere, il poussa son cheval, en desespéré, tout au travers d’eux, les menaçant de les faire tous brancher aux arbres de la forêt voisine. Ces laches ne firent aucune résistance, et se mirent aussitôt à fuir du côté de la rivière qu’ils avoient à leur dos sans oser jamais tourner visage. Le prince de Galles voulant profiter du desordre dans lequel une terreur panique les avoit jetté, les fit poursuivre par ses gens la lance dans les reins qui les perçoient d’outre en outre comme des infâmes, qui n’avoient pas le cœur de se retourner pour voir en face l’ennemy.

La peur qui leur donnoit des aîles, en fit jetter plusieurs dans la rivière, qui furent suffoquez dans les eaux, aimans mieux se laisser noyer que de souffrir la douleur que la pointe des lances et des épées leur pouvoit causer. Ce corps de reserve destiné pour les secourir, s’alla cacher dans le fonds d’un bois, dans la