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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/435

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ANCIENS MÉMOIRES

gnation qu’il en conçut, il voulut sur le champ l’aller chercher en personne pour assouvir sur luy sa rage et sa fureur ; mais ses generaux luy firent connoître qu’il ne pouvoit entreprendre ce voyage sans passer par des lieux incultes et déserts qui le feroient perir avec toute son armée ; qu’il valloit donc mieux reprendre le chemin de Bordeaux pour y faire toutes les provisions nécessaires pour vivre cinq ou six mois, et retourner en suite au printemps pour fondre sur ce prince infidelle et lâche, et le payer de toutes ses trahisons et de toutes ses félonies par une mort infâme, qu’il n’avoit que trop méritée par son ingratitude et par le mauvais tour qu’il venoit de luy faire. Pierre, s’étant tiré cette épine du pied, s’alla présenter devant Tolede et demanda qu’on luy fît l’ouverture des portes. Les bourgeois apprehendans qu’il ne se ressentît de l’outrage qu’ils luy avoient fait, balancerent longtemps à se rendre ; mais enfin, voyans bien qu’ils ne pouroient faire qu’une fort vaine resistance, ils aimèrent mieux franchir honnêtement ce pas que de l’aigrir encore davantage contre eux. Il dissimula d’abord le ressentiment qu’il leur gardoit pour ne les point effaroucher ; mais il leur en fit sentir dans la suite de fort cruels effets. Seville, ayant sçu que Burgos et Tolede avoient suby le joug de leur premier maître, se vit contrainte de ceder au torrent et de se rendre au vainqueur. Les bourgeois allerent au devant de luy pour tâcher de flechir la miséricorde d’un prince dont ils connoissoient l’humeur implacable. Les chrétiens, les juifs et les sarrazins firent à l’envy de leur mieux pour l’adoucir, se prosternans en terre et luy demandans pardon à genoux et tâchans de se disculper