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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/484

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nion que la grandeur de son offense lui avoit donnée, que jamais elle ne lui pardonneroit, le confirma aussi au dessein qu’il avoit déjà pris d’employer tous les artifices possibles pour l’empêcher de revenir jamais auprès de Sa Majesté.

Si elle faisoit semblant de s’en aller sans regret, la plupart la voyoient partir avec un véritable contentement, l’orgueil et les violences du maréchal d’Ancre ayant rejeté sur elle un si grand dégoût des peuples, que, bien qu’il fût un peu modéré, il n’étoit pas néanmoins changé par la misère présente de sa condition, qui n’étoit guère au-dessous de l’extrémité de l’infortune. Elle sortit du Louvre, simplement vêtue, accompagnée de tous ses domestiques, qui portoient la tristesse peinte en leur visage ; et il n’y avoit guère personne qui eût si peu de sentiment des choses humaines, que la face de cette pompe quasi funèbre n’émût à compassion. Voir une grande princesse, peu de jours auparavant commandant absolument à ce grand royaume, abandonner son trône et passer, non secrètement et à la faveur des ténèbres de la nuit cachant son désastre, mais publiquement, en plein jour, à la vue de tout son peuple, par le milieu de sa ville capitale, comme en montre pour sortir de son empire, étoit une chose si étrange qu’elle ne pouvoit être vue sans étonnement. Mais l’aversion qu’on avoit contre son gouvernement étoit si obstinée, que le peuple ne s’abstint néanmoins pas de plusieurs paroles irrespectueuses en la voyant passer, qui lui étoient d’autant plus sensibles que c’étoient des traits qui rouvroient et ensanglantoient la blessure dont son cœur étoit entamé.