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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/83

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Il connoissoit trop bien la différence qu’il y a entre la liaison que la nature met entre une mère et ses enfans lorsqu’ils sont en bas âge, et celle qui se trouve entre un roi enfant et les princes qui, étant ses héritiers, pensent avoir autant d’intérêt en sa perte qu’une mère en sa conservation.

En un mot, le Roi avoit si souvent appelé la Reine madame la régente, lui avoit tant de fois témoigné publiquement que le commencement de son gouvernement seroit celui de sa misère, qu’il étoit impossible de ne savoir pas qu’il la destinoit pour gouverner le royaume après sa vie, si Dieu l’appeloit auparavant que M. le Dauphin[1] eût assez d’âge pour le faire lui-même. Il n’étoit question que de justifier la volonté de ce grand prince au public, par la déclaration que chacun savoit qu’il devoit faire en faveur de la Reine avant que d’entreprendre son voyage.

Tous convinrent que c’étoit le meilleur expédient. Les sieurs de Villeroy et président Jeannin soutinrent qu’il s’en falloit servir, Villeroy offrit de dresser la déclaration et la signer ; mais le chancelier, qui avoit le cœur de cire, ne voulut jamais la sceller. Il connoissoit aussi bien que les autres ce qui étoit nécessaire, mais il n’avoit ni bras ni mains pour le mettre en exécution. Il dit ouvertement à ceux[2] qu’il pouvoit rendre confidens de sa crainte, qu’il lui étoit impossible de s’ôter de la fantaisie que, s’il scelloit cette déclaration, le comte de Soissons[3] s’en prendroit à lui et le tueroit. Il falloit en cette occasion

  1. Né en 1601
  2. À Bullion
  3. Charles de Bourbon, comte de Soissons, fils de Louis i, prince de Condé, mort en 1611, appelé ordinairement M. le comte.