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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/219

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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

qu’il falloit rendre Broussel avant que les peuples, qui menaçoient de prendre les armes, les eussent prises effectivement. Nous éprouvâmes en cette rencontre qu’il est bien plus naturel à la peur de consulter que de décider. Le cardinal, après une douzaine de galimatias qui se contredisoient les uns les autres, conclut à se donner encore du temps jusqu’au lendemain, et à faire connoître en attendant, au peuple, que la Reine lui accordoit la liberté de Broussel, pourvu qu’il se séparât, et qu’il ne continuât pas à la demander en foule. Le cardinal ajouta que personne ne pouvoit plus agréablement et plus efficacement que moi porter cette parole. Je vis le piège, mais je ne pus m’en défendre ; et d’autant moins que le maréchal de La Meilleraye, qui n’avoit point de vue, y donna même avec impétuosité, et m’y entraîna, pour ainsi parler, avec lui. Il dit à la Reine qu’il sortiroit avec moi dans les rues, et que nous y ferions des merveilles. « Je n’en doute point, lui répondis-je, pourvu qu’il plaise à la Reine de nous faire expédier en bonne forme la promesse de la liberté des prisonniers : car je n’ai pas assez de crédit parmi le peuple pour m’en faire croire sans cela. » On me loua de ma modestie : le maréchal ne se douta de rien ; la parole de la Reine valoit mieux que tous les écrits. En un mot l’on se moqua de moi, et je me trouvai tout d’un coup dans la cruelle nécessité de jouer le plus méchant personnage que jamais peut-être particulier ait rencontré. Je voulus répliquer : mais la Reine entra brusquement dans sa chambre grise. Monsieur me poussa, mais tendrement, avec ses deux mains, en me disant. « Rendez le repos à l’État. » Le maréchal