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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/220

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[1648] MÉMOIRES

m’entraîna, et tous les gardes du corps me portoient amoureusement sur leurs bras, en me criant : « Il n’y a que vous qui puissiez remédier au mal. » Je sortis ainsi avec mon rochet et mon camail, en donnant des bénédictions à droite et à gauche : et vous croyez bien que cette occupation ne m’empêchoit pas de faire toutes les réflexions convenables à l’embarras dans lequel je me trouvois. Je pris toutefois sans balancer le parti d’aller purement à mon devoir, de prêcher l’obéissance, et de faire mes efforts pour empêcher le tumulte. La seule mesure que je me résolus de garder fut celle de ne rien promettre en mon nom au peuple, et de lui dire simplement que la Reine m’avoit assuré qu’elle rendroit Broussel, pourvu que l’on fit cesser l’émotion.

L’impétuosité du maréchal de La Meilleraye ne me laissa pas lieu de mesurer mes expressions : car au lieu de venir avec moi, comme il m’avoit dit, il se mit à la tête des chevau-légers de la garde, et il s’avança l’épée à la main, en criant de toute sa force : « Vive le Roi ! liberté à Broussel ! » Comme il étoit vu de beaucoup plus de gens qu’il n’y en avoit qui l’entendissent, il échauffa beaucoup plus de monde par son épée qu’il n’en apaisa par sa voix. On cria aux armes ; un crocheteur mit le sabre à la main vis-à-vis des Quinze-Vingts : le maréchal le tua d’un coup de pistolet. Les cris redoublèrent, on courut de tous côtés aux armes ; une foule de peuple, qui m’avoit suivi depuis le Palais-Royal, me porta plutôt qu’elle ne me poussa jusqu’à la Croix-du-Tiroir, et j’y trouvai le maréchal de La Meilleraye aux mains, avec une foule de bourgeois qui avoient pris les armes dans