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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/224

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[1648] MÉMOIRES

m’avoit dit que c’étoit l’unique voie par laquelle on pouvoit obtenir d’elle la liberté des prisonniers. J’ajoutai tout ce que je crus pouvoir adoucir cette commune ; et je n’y eus pas beaucoup de peine, parce que l’heure du souper s’approchoit. Cette circonstance vous paroîtra ridicule, mais elle est fondée : et j’ai observé qu’à Paris, dans les émotions populaires, les plus échauffés ne veulent pas ce qu’ils appellent se désheurer.

Je me fis saigner en arrivant chez moi : car la contusion que j’avois eue au dessous de l’oreille étoit fort augmentée ; mais vous croyez bien que ce n’étoit pas là mon plus grand mal. J’avois fort hasardé mon crédit dans le peuple, en lui donnant des espérances de la liberté de Broussel, quoique j’eusse observé fort soigneusement de ne lui en pas donner ma parole. Mais avois-je lieu moi-même d espérer qu’un peuple pût distinguer entre les paroles et les espérances ? D’ailleurs avois-je lieu de croire, après ce que j’avois connu du passé, après ce que je venois de voir du présent, que la cour fît seulement réflexion à ce qu’elle nous avoit fait dire à M. de La Meilleraye et à moi ? Ou plutôt n’avois-je pas tout sujet d’être persuadé qu’elle ne manqueroit pas cette occasion de me perdre absolument dans le public, en lui faisant croire que je m’étois entendu avec elle pour l’amuser et pour le jouer ? Ces vues, que j’eus dans toute leur étendue, m’affligèrent, mais elles ne me tentèrent point. Je ne me repentis pas un moment de ce que j’avois fait, parce que j’étois persuadé que le devoir et la bonne conduite m’y avoient obligé. Je m’enveloppai, pour ainsi dire, dans mon devoir ; j’eus honte d’avoir fait