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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/225

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DU CARDINAL DE RETZ. [1648]

réflexion sur l’événement ; et Montrésor étant entré là-dessus, et m’ayant dit que je me trompois si je croyois avoir beaucoup gagné à mon expédition, je lui répondis ces propres paroles : « J’y ai beaucoup gagné, en ce qu’au moins je me suis épargné une apologie en explication de bienfaits, qui est toujours une chose insupportable à un homme de bien. Si je fusse demeuré chez moi dans une conjoncture comme celle-ci, la Reine, dont enfin je tiens ma dignité, auroit-elle sujet d’être contente de moi ? — Elle ne l’est nullement, reprit Montrésor : madame de Noailles et madame de Motteville viennent de dire au prince de Guémené que l’on étoit persuadé, au Palais-Royal, qu’il n’avoit pas tenu à vous d’émouvoir le peuple. »

J’avoue que je n’ajoutai aucune foi à ce discours de Montrésor : car quoique j’eusse vu dans le cabinet de la Reine que l’on s’y moquoit de moi, je m’étois imaginé que cette malignité n’alloit pas à diminuer le mérite du service que j’avois rendu, et je ne pouvois me figurer que l’on fût capable de me le tourner à crime. Montrésor persistant à me tourmenter, et me disant que mon ami Jean-Louis de Fiesque[1] n’auroit pas été de mon avis, je lui répondis que j’avois toute ma vie estimé les hommes, plus par ce qu’ils ne faisoient pas en de certaines occasions, que par tout ce qu’ils y eussent pu faire. J’étois sur le point de m’endormir sur ces pensées, lorsque Laigues arriva, qui venoit du souper de la Reine, et qui me dit que l’on m’avoit tourné publiquement en ridicule, que l’on

  1. Jean-Louis de Fiesque : Celui dont le coadjuteur avoit écrit l’histoire dans sa première jeunesse. (Voyez la Notice.)